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Notation en ligne : la Cour d’appel de Paris impose la suppression d’un avis dénigrant fondé sur un algorithme opaque

  • lcv-avocat
  • 3 juin
  • 3 min de lecture

Dans un arrêt de la Cour d'appel de Paris statuant en référé, une plateforme de notation a été condamnée à supprimer la notation d'une entreprise dès lors que "les modalités de calcul du pourcentage attribué, la liste complète des critères, l’importance relative de telle ou telle critère, leur pondération ne sont pas explicitées. Le rapport édité par la société Heretic [société éditrice de la plateforme] n’apparaît en l’espèce ni prudent, ni mesuré et conduit à attribuer une note extrêmement négative, sans l’étayer de manière suffisamment substantielle. Dès lors, ce rapport revêt un caractère dénigrant ".





Cette décision s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence exigeante quant à la mesure et à la base factuelle des propos susceptibles de nuire à l’image d’un professionnel.


La société Baronnies granulés & co, spécialisée dans la vente de granulés de bois, découvre début 2024 qu’un rapport publié sur le site scamdoc.com lui attribue une note de confiance de 2%, qualifiée de « très faible ». À la suite d’une demande de retrait adressée à l’éditeur du site restée sans réponse, Baronnies granulés constate que le score passe à 1%, avec un ajout mentionnant un soupçon de censure, à la suite de la tentative de suppression. Une nouvelle page est alors créée sur un autre site (legalnuke.com), insinuant un manque de transparence de la société demanderesse.


La société Baronnies granulés & co assigne la plateforme de notation en référé et sollicite la suppression de la page litigieuse, ainsi qu’une provision de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts. Par une ordonnance du 4 juillet 2024, le tribunal de commerce de Paris fait droit à la première demande, ordonnant la suppression du contenu litigieux, mais déboute la demanderesse de sa demande indemnitaire.


La société Heretic intejette appel. Elle fait valoir que les informations publiées relèvent de la liberté d’expression, sont générées automatiquement par un algorithme transparent, et qu’aucune faute ne peut lui être imputée.


Cependant la Cour d'appel, statuant en référé, confirme l'injonction de suppression de la notation à la société Heretic et confirme l’analyse du premier juge en ce sens que :

Le rapport édité par la plateforme de notation ne repose pas sur une base factuelle suffisamment substantielle et n’est ni mesuré, ni prudent.

Elle souligne notamment que :

  • le site de Baronnies était récent, certes, mais cela ne constitue pas en soi un élément suspect ;

  • le fait que le nom du propriétaire du domaine soit masqué n’est ni illégal, ni inhabituel ;

  • les critères de notation utilisés par Scamdoc ne sont ni explicites, ni pondérés, ce qui entache la crédibilité du score attribué.


En outre, le fait que les mêmes critères ne soient pas appliqués aux propres sites de la société Heretic, notés à 99 %, jette un doute sérieux sur l’objectivité du système.

La Cour constate donc l’existence d’un acte de dénigrement et non d'un simple "risque de discrédit", au sens de l’article 1240 du Code civil, car l’information publiée jette le discrédit sur les produits et services d’une société, sans base factuelle suffisante et sans être exprimée avec mesure.


L'arrêt rappelle que le droit d'informer ou le droit à la critique n'inclut pas le droit de dénigrer. Cet arrêt illustre de manière claire les limites de la liberté d’expression en ligne, en particulier lorsque les propos prennent la forme de notions chiffrées a priori objectives, mais qui reposent en réalité sur des critères opaques et non pertinents.


La liberté d’évaluation algorithmique ne dispense pas d’un minimum de rigueur dans le choix et l’application des critères retenus. À défaut, elle peut conduire à engager la responsabilité délictuelle de son auteur sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.


Les professionnels de la notation en ligne et les éditeurs de plateformes doivent retenir de cet arrêt une exigence : la transparence ne peut être seulement proclamée, elle doit être démontrée.


Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – Ch. 2, arrêt du 7 mai 2025 Heretic / Baronnies Granules & Co




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